Les Duteil, vignerons de l’Essonne (2)

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8 générations, depuis le XVIe siècle jusqu’au XVIIIe siècle : Entrons chez les Duteil, une famille de vignerons à travers l’histoire.

Génération 2

Mathurin nait autour de 1570, sous le règne de Charles IX, ou peut-être celui d’Henri III. 

Tout comme son père et son frère, il devient vigneron. Car si depuis la crise du phylloxéra à la fin du XIXe siècle les vignes ont pratiquement disparu du paysage parisien, la viticulture est encore bien implantée sur le territoire au début du XVIIe siècle. Mathurin, comme tous ses voisins, produit du vin blanc, le climat étant peu propice au rouge, et plus particulièrement du pinot gris. Le vin ainsi produit est destiné à une clientèle parisienne et acheminé facilement par bateau grâce aux affluents de la Seine présents dans la région. La consommation locale et surtout familiale est aussi très importante. Car l’eau est rarement potable et véhicule bon nombre de maladies mortelles. Alors tout le monde, enfants compris, boit du vin. Bien sûr, il est beaucoup moins alcoolisé qu’aujourd’hui, titrant un peu moins de 10°, et est rarement consommé pur. On le mélange avec de l’eau, du sucre, des épices. On y fait macérer des fruits. Et forcément, on en boit beaucoup plus qu’aujourd’hui.

IMAGERIE NOUVELLE. LES VENDANGES. © RMN-Grand Palais (MuCEM) / Franck Raux

Autour de 1590, Mathurin convole en justes noces avec Barbe Yvon. Les parents de la jeune femme nous demeureront inconnus. Une Denise et un Jacques Yvon apparaissent bien dans les actes paroissiaux relatifs à la famille mais leur lien de parenté réel avec Barbe reste indéterminé.

Il semble que seuls deux enfants naissent de ce mariage, ou tout du moins vivent jusqu’à l’âge adulte : Barbe, en 1597, et Vincent, en 1600.

Acte de baptême de Barbe – 1MI/472 Archives départementales de l’Essonne

« Le dix septième jour d’octobre 1597 fut baptisée une fille à Mathurin Duteil et Barbe Yvon ses père et mère nommée Barbe par Denise Yvon sa marraine et Jeanne Cormeille et François Duteil son parrain »

Acte de baptême de Barbe – 1MI/472 Archives départementales de l’Essonne

« Le trentième jour de mars fut baptisé un fls à Mathurin Duteil et Barbe Yvon ses père et mère nommé Vincent par Jacques Yvon de Flenville (?) et Pierre Quenctin, sa marraine Richarde Her de cette paroisse »

En 1613, alors qu’elle n’a que 16 ans, Barbe épouse Nicolas Dangente, un vigneron d’Egly de 22 ans. Leur contrat de mariage et l’incontournable dot que doit fournir le père de la mariée est l’occasion pour nous d’entrer, un court instant, dans l’intimité de ces ancêtres bien lointains. La famille est loin d’être riche mais possède tout de même un peu de biens, suffisamment pour que le trousseau de la jeune femme comporte un quartier de vignes, une vache à poils noirs, un lit garni de sa couche, une douzaine de draps, une douzaine de nappes, une douzaines de toiles, un coffre en bois fermant à clef ainsi que quelques autres menus objets. Le futur époux apporte quant à lui la somme de 43 livres, censée être plus ou moins équivalente au montant de la dot de la future épouse. Cela n’est pas grand chose. Par comparaison, la dot de Barbe Delacroix vivant sensiblement à la même époque à Versailles, s’élevait alors à environ 600 livres…

Extrait du contrat de mariage passé entre Nicolas Dangente et Barbe Duteil en janvier 1613 – E/4594 A.D de l’Essonne

Le premier enfant du tout jeune couple ne naîtra que 5 ans plus tard et sera seulement suivi de deux autres naissances. La raison en est toute simple : Barbe décède en 1627, quelques mois seulement avant de fêter son trentième anniversaire. Elle laisse derrière elle Jean, 9 ans, Sainte, 6 ans, et Noël, 3 ans.

Ce drame n’est pas le seul qui touche la famille en cette année funeste. La cause ? La terrible peste noire qui est de retour. Arrivée en Europe par bateau au milieu du XIVe siècle, elle sévit depuis régulièrement, disparaissant et réapparaissant au fil des siècles, fauchant des millions de vies à travers tout le continent. Mes Burlet, à plusieurs centaines de kilomètres de là, en feront aussi les frais 3 ans plus tard.

Lithographie de J.Moynet d’après L.Duveau.

Et les Duteil ne sont pas épargnés. C’est tout d’abord Barbe Yvon, la mère, qui s’éteint au mois de février. Sa fille Barbe la suit donc dans la tombe le mois suivant. Vient ensuite Mathurin, en avril, et enfin l’oncle François, au mois de mai. 

Actes d’inhumation de Mathurin, Barbe et François Duteil – 1MI/472 Archives départementales de l’Essonne

« Le 2 jour du mois d’avril a esté inhumé dans nostre église Mathurin Duteil »
« Le 15 jour du mois de may a esté inhumé dans nostre église Barbe Duteil femme de Nicolas Dangente »
« Le 31 du mois (de mai) a esté inhumé dans nostre église François Duteil »

Il n’aura donc suffit que de quatre petits mois à la peste pour faucher entièrement ma deuxième génération de vignerons… et la moitié de la troisième.

Ph. Coll. Archives Larousse

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