Valentin de Fuzier, noble anticonformiste

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Valentin de Fuzier, seigneur du Verger, naît peu après l’épidémie de peste qui décima une bonne partie de la population de sa région en 1630.

C’est à la Buissière, petit village de la vallée du Gresivaudan en Isère, qu’est établi son fief au milieu duquel trône la maison forte familiale depuis au moins 1455, date à laquelle Pierre de Fuzier fut anobli par le Dauphin et futur roi Louis IX.

La maison forte du Verger au début du XXe siècle

Comme tous ses contemporains et particulièrement les membres de la noblesse, Valentin est destiné à se marier et à fonder une famille. Il lui faut évidemment espérer avoir un fils qui pourra à son tour perpétuer son héritage et porter son titre. Mais le jeune homme ne semble pas vraiment voir les choses comme cela.

La Buissière sur la carte de Cassini, fin XVIIIe siècle. Le fief des De Fuzier se situe dans le hameau des Granges.

En 1659, Louise Vernay, une jeune paysanne du village, met au monde un enfant naturel nommé Roland qu’elle déclare être de Valentin. Celui-ci ne conteste pas et demande même à sa sœur Hélène d’être la marraine de son fils. Né hors des liens du mariage, le nouveau-né ne peut décemment pas porter le nom de son père. Mais il semble que Valentin tienne tout de même à ce qu’il soit bien reconnu comme étant son fils puisqu’il lui fait prendre le nom de son fief : Roland inaugure donc une toute nouvelle lignée, celle des Du Verger.

Acte de baptême de Roland Du Verger – 28 mai 1659 – AD de l’Isère

« Aujourd’hui 28 May 1659 jay baptisé Roland fils naturel de Noble Valentin du Verger, selon le rapport de femme Louise Vernay fait à noble Alexandre de Mayard son parrain, et à demoiselle Hélène du Verger sa marraine… »

Cette naissance n’encourage pour autant pas les jeunes parents à régulariser leur situation devant Dieu et son représentant sur Terre, et chacun semble reprendre sa vie sans passer par l’église. Pourtant leur liaison perdure, même si c’est vraisemblablement de manière occasionnelle. Car 7 ans après Roland c’est une petite Benoîte qui voit le jour et tout comme son aîné, elle prend le nom de Du Verger.

Acte de baptême de Benoite Du Verger – 11 novembre 1666 – AD de l’Isère

« Le jour de Saint Martin puisque le jour du onzième novembre mil six cent soixante six a esté baptisée Benoite fille naturelle de noble Valentin de Fuzier seigneur du Verger au rapport que nous a fait Magdelene Garuet faisant fonction de mère sage et de Louise Vernay fille de François Vernay, non mariés… »

Ce deuxième enfant ne convainc néanmoins toujours pas le seigneur du Verger de demander sa belle en mariage. Louise, peut-être fatiguée d’attendre, finit par épouser en 1673 un marchand chapelier du nom de Jean Pierre Moreau. La jeune mariée et son fils ne font ensuite plus parler d’eux dans les archives du village. Mais Jean Pierre étant originaire de Paris, ils l’ont peut être tout simplement suivi dans la capitale.

Habit de chapellier – Musée Carnavalet

Valentin ne se mariera jamais et n’aura a priori pas d’autre enfant. Il semble se désintéresser rapidement des deux qu’il aura eu avec Louise puisqu’il n’assiste pas au mariage de sa fille en 1689 et que ni Benoite ni Roland ne sont mentionnés dans le testament qu’il rédige en 1703.

Extrait du testament de Valentin de Fuzier – 1703 – AD de l’Isère

« Valentin de Fuzier seigneur du Verger habitant à la Buissière vallée du Graisivaudan, lequel étant sain de ses sens, mémoire et entendement… »

Il meurt le 17 mars 1705, célibataire et sans postérité légitime. Sa maison forte et son titre de seigneur du Verger reviennent donc a l’un de ses cousins, Jean D’Yzoard, ce qui marque la fin du règne des De Fuzier sur le fief du Verger, 250 ans seulement après l’anoblissement du premier d’entre eux.

Acte de sépulture de Valentin de Fuzier – 1705 – AD de l’Isère

« L’an mil sept cent cinq et le dix huit du mois de mars, noble Valentin de Fuzier du Verger a esté enseveli en l’église paroissiale de la Buissière, décédé hier muni de tous les sacrements… »

Les raisons qui l’ont poussé à faire fi des conventions sociales de son époque en scellant sciemment le destin de sa lignée resteront malheureusement inconnues. Mais il est heureux pour moi que sa route aie croisé un jour celle de Louise Vernay, puisque je descends de Benoite et de son mari Estienne, un paysan du village, via mon arrière-arrière-grand-mère Léontine, l’épouse d’Émile.

La signature de Valentin

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