Les Duteil, vignerons de l’Essonne (3)

Published by

on

Les vendanges – Tapisserie – Musée de Cluny

8 générations, depuis le XVIe siècle jusqu’au XVIIIe siècle : Entrons chez les Duteil, une famille de vignerons à travers l’histoire.

Génération 3

Vincent naît le 30 mars 1600 à Egly et inaugure l’entrée dans un tout nouveau siècle. 

« Le trentième jour de mars fut baptisé un fils à Mathurin Duteil et Barbe Yvon ses père et mère, nommé Vincent par Jacques Yvon de Flainville et Pierre Quenctin et Richarde Hue »

En 1610, alors que Vincent n’a que 10 ans, Le Roi Henri IV est assassiné par deux coups de couteau dans la rue de la Ferronnerie, à Paris, par François de Ravaillac. Cet événement, qui marquera les esprits, fait du bruit dans tout le royaume. Car Henri IV avait succédé à Henri III en 1589. Le Roi était mort après avoir été poignardé lui aussi, par un moine dominicain l’accusant d’être l’ennemi du catholicisme pendant les guerres de religions. Deux régicides coup sur coup, cela fait beaucoup et contribuera grandement à renforcer l’idée de la monarchie absolue, faisant du Roi une personne sacrée et intouchable.

L’assassinat d’Henri IV – Gaspar Bouttats – détail

A Egly aussi, on en a entendu parler. Il faut dire que l’assassin n’est pas passé loin. Peut-être même l’a-t’on-vu ? Après tout, un colosse aux cheveux roux, cela ne passe pas inaperçu…

Sa route, le menant d’Angoulême sa ville natale, à Paris, le fait passer par Etampes. C’est d’ailleurs dans cette petite ville à 20 km d’Egly que Ravaillac prend définitivement la décision de tuer le Roi, après avoir hésité plusieurs fois. Les grandes routes royales n’étant pas sûres, il semble préférer prendre les routes des postes, par lesquelles est acheminé le courrier, et qui permettent de trouver facilement les chevaux frais nécessaires à la poursuite d’un long voyage. 

Et la route qui passe par Etampes est toute proche d’Egly. Alors… Les Duteil l’ont-ils vu ?

Carte des routes de postes de France, Alexis-Hubert Jaillot (1695) – détail

Le Roi est mort, vive le Roi ! Le tout jeune Louis XIII succède à son père, sous la régence de sa mère Marie de Médicis, et la vie reprend son cours.

Portrait d’Henri IV en Mars – Ambroise Dubois / Marie de Médicis – Pourbus le jeune / Louis XIII – Philippe de Champaigne

Chez les Duteil aussi, la vie continue. Vincent, comme ses aïeux, devient vigneron. Le 2 novembre 1624, il épouse à Egly Marie Bourdes, une jeune femme originaire de Bernay, un petit village de Normandie situé entre Caen et Alençon.

Si Marie se retrouve si loin de son pays natal, c’est grâce à son oncle Joachim Coulland, frère de sa mère Françoise et prêtre de la paroisse de Chastres (Aujourd’hui Arpajon), à environ 2 km d’Egly. Cela fait en effet près de 30 ans que l’homme d’église est installé en région parisienne. Lorsqu’en 1611 Jean Bourdes, père de Marie et époux de Françoise décède, Joachim fait venir sa sœur auprès de lui et la marie l’année suivante à Pierre Granier, un habitant d’Egly originaire lui aussi du même petit coin de Normandie.

Acte de mariage de Pierre Granier et Françoise Coulland – 1MI/472 Archives départementales de l’Essonne

« Le dix septième jour de septembre mil six cent douze a este mariés Marin Granier et Françoise Coullaud tous deux natifs de Normandie française Le dict Marin de Ecouché et La dicte Françoise de Bernay près du dict Ecouché… »

Et c’est tout naturellement que, 12 ans plus tard, le prêtre fait à nouveau le déplacement à Egly pour marier sa nièce à Vincent, bien que ce ne soit pas sa paroisse.

Acte de mariage de Vincent Duteil et Marie Bourdes – 1MI/472 Archives départementales de l’Essonne

« Le 2 jour du mois de novembre mil six cent vingt quatre Vincent Duteil a esté marié
à Marie Bourdes sa famille en présence de Mathurin Duteil père dudit Vincent et Barbe Yvon sa mère et Nicolas Dangente et Barbe Duteil et du coté de ladite Bourdes sa famille Françoise Coulland sa mère, messire Joachim Coulland son oncle, Pierre Bourdes et en présence d’autres »

Un an plus tard, le couple célèbre la naissance de son premier enfant, nommé Vincent comme son père. Comme le veut l’usage, le parrain est le grand-père paternel du nourrisson, la marraine la grand-mère maternelle. La famille s’agrandit en janvier 1627 avec la naissance d’une petite Barbe. Mais cette fois le cœur n’est pas à la fête. Quelques mois plus tard la peste emporte les parents de Vincent, sa soeur et son oncle.

Acte de baptême de Barbe Duteil – 1MI/472 Archives départementales de l’Essonne

Vincent et Nicolas Dangente, son beau-frère, se partagent alors la succession de Mathurin et de Barbe. C’est l’occasion pour nous d’apprendre que le couple possédait une maison avec un jardin et dépendances dans Egly ainsi qu’une trentaine d’ares de vignes disséminées sur le territoire de la commune.

EGLY. – Plans d’intendance. Plan, Ech. 1/200 perches, Dim. 70 x 55 cm, [fn XVIIIe siècle]. C1/86 – AD de l’Essonne

Cet acte de partage nous révèle aussi la jolie signature de Vincent, le premier de la famille à savoir utiliser une plume, à une époque où l’école est une notion encore bien vague.

Après les deuils, les naissances reprennent. Marie met au monde 5 autres enfants entre 1628 et 1644. Le petit dernier décède avant d’atteindre sa troisième année.

Les années qui suivent, notamment entre 1649 et 1653, sont qualifiées à l’époque « d’années apocalyptiques ». La guerre de trente ans vient de se terminer, laissant les caisses du royaume vides. La Fronde, grave révolte contre l’autorité du Roi, fait rage.

Les troupes des belligérants campent, volent, pillent et violent la population au sud de Paris. 

LA FRONDE: LE PEUPLE demandant la LIBÉRATION de BROUSSEL – Gravure du 19e siècle

Et comme si cela ne suffisait pas, la météo s’en mêle. Les hivers sont froids et humides, les étés caniculaires et secs, entrainant des récoltes désastreuses, une considérable hausse des prix (le prix du seigle quadruple entre 1648 et 1652) et, forcément, la famine. La peste revient une nouvelle fois, accompagnée de la dysentrie et de la rougeole. Dans un tel contexte, la mort est omniprésente, les cimetières sont saturés. 

Le Triomphe de la Mort (1562) – Pieter Brueghel l’Ancien

La famille n’est évidemment pas épargnée. Vincent quitte ce monde autour de 1650, bien que son inhumation ne soit pas retranscrite dans le registre d’Egly. Il est suivi deux ans plus tard par l’une de ses filles et de son épouse Marie à quelques jours d’intervalle. Les 5 enfants survivants, âgés de 27 à 11 ans, se retrouvent alors avec la lourde responsabilité de prendre soin les uns des autres dans un moment plus que difficile.

Une page des nombreux actes d’inhumation de l’année 1652 à Egly parmi lesquels figurent ceux de Marie Bourdes et de sa flle 1MI/472 Archives départementales de l’Essonne

« Le 26 août 1652 a esté au cimetière
âgée de 14 ans fille de défunt Vincent Duteil »
« Le 8 septembre 1652 a esté inhumée au cimetière veuve de Vincent Duteil »

2 réponses à « Les Duteil, vignerons de l’Essonne (3) »

  1. Avatar de fannynesida

    Voilà une dynastie bien documentée

    J’aime

    1. Avatar de Marina
      Marina

      Merci beaucoup !

      J’aime

Laisser un commentaire