Les Duteil, vignerons de l’Essonne (7)

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8 générations, depuis le XVIe siècle jusqu’au XVIIIe siècle : Entrons chez les Duteil, une famille de vignerons à travers l’histoire.

Génération 7

Jean Louis, qui part la suite abandonnera son premier prénom pour ne garder que le second, est le quatrième enfant de Louis et de Jeanne Françoise. Il nait le 29 avril 1750, dans le petit hameau de Verville où sa famille vit maintenant depuis 3 générations.

FONTENAY LES-BRIIS – Plan d’intendance. C1/97- Archives départementales de l’Essonne

Sans surprise, il embrasse lui aussi la profession de vigneron. 

Le 22 février 1773, ses noces sont célébrées dans l’église de Bruyères le Châtel avec Marie Jeanne Pontabrier. La jeune femme n’est pas une inconnue pour la famille : l’année précédente, son frère avait épousé la sœur de Louis. Après les noces, le jeune couple ne s’installe non pas à Verville mais à Bruyères, sur les terres de la famille Pontabrier.

Une noce de Basse-Normandie. La belle-mère apporte le trousseau de la mariée. Lithographie de Gihout frères.

9 mois à peine se sont écoulés depuis le mariage lorsque Marie Jeanne accouche d’un petit Jean Louis, le 8 décembre 1773. Mais cette naissance semble fatale pour la jeune mère qui décède moins de 5 mois plus tard. Elle n’a que 22 ans.

Louis se retrouve alors seul pour élever son petit garçon, ce qui n’est absolument pas tenable. D’abord parce qu’il n’a aucune idée de la manière de s’occuper d’un bébé, ensuite et surtout parce que l’enfant à besoin de lait pour se nourrir et d’attention constante pour grandir en sécurité, deux choses que le père, qui travaille dans les vignes toute la journée, ne peut lui offrir. Bien sûr ses sœurs, proches de lui et devenues mères à la même période, sont sûrement là pour l’épauler dans ces moments difficiles et donner le sein à leur neveu, mais cette situation ne peut durer longtemps, car elles ont leurs propres foyers à gérer. Alors le jeune veuf de 24 ans se remarie seulement 6 mois après avoir enterré sa première épouse. Encore une fois, il n’aura pas eu à chercher bien loin : Marie Marguerite Durand, l’heureuse élue, est la sœur d’un autre de ses beaux-frères. Leur mariage qui ne verra naitre aucun enfant durera un peu plus de 2 ans avant que la jeune femme ne décède à son tour. Louis se retrouve une nouvelle fois veuf à seulement 26 ans.

Un enterrement à Ornans – Gustave Courbet, 1850

Le petit Jean Louis vient seulement de souffler sa 4e bougie, et il a encore besoin d’une mère. Alors son père convole rapidement en noces une troisième et dernière fois. Ce n’est en revanche pas dans son entourage proche qu’il trouve cette nouvelle épouse mais à Saint Escobille, un village situé à près de 30 kilomètres de Bruyères. Mais Marie Anne Moncheny est fille de vigneron, son père et son mari ont probablement dû se croiser plusieurs fois à l’occasion des nombreuses foires qui se tiennent dans la région et durant lesquelles les paysans et artisans viennent vendre le fruit de leur labeur, parfois même de très loin.

La foire Saint Germain à Paris – XVIIIe siècle – Gallica

De leur union naitront 3 enfants : Charles puis Avoye, qui épousera un vigneron de la région et Marie Madeleine, dont on perd rapidement la trace.

Bien que Charles ne soit que le demi-frère de mon Jean Louis, il mérite qu’on s’arrête quelques instants sur sa vie. Contrairement à son père et à son frère, le jeune homme dédaigne un temps le métier de vigneron pour entrer dans l’armée de Napoléon en février 1803 en tant que soldat du 23e régiment de l’infanterie de ligne.

Fiche matricule de Charles comportant de nombreuses erreurs sur sa date de naissance et l’identité de ses parents SHD/GR 21 YC – Mémoire des Hommes

Bien sûr, il n’a guère eu le choix. Comme nombre de ses concitoyens de l’époque, Charles, célibataire et sans enfant, a tiré « le mauvais numéro » au tirage au sort et n’a pas les moyens de s’offrir un remplaçant pour partir combattre à sa place. Cela ne l’empêchera pas de servir au mieux l’Empereur et de le suivre dans bon nombre de ses guerres durant 15 ans. Contrairement à ses ancêtres qui ne s’étaient jamais éloignés de plus de 30 kilomètres de leur terre natale, le jeune soldat verra du pays et se battra en France, en Italie, en Dalmatie, en Allemagne, tout en montant en grade au cours de sa carrière. De soldat il passera caporal, puis sergent, avant d’obtenir la Légion d’honneur, rien de moins, en raison de ses états de service irréprochables.

Serment de Charles signé d’une main plus qu’hésitante ! Base Léonor

Etat des Services de Charles – Base Léonor

Après 15 ans de bons et loyaux services dans l’armée impériale, Charles prend sa retraite et rentre à Bruyères pour y fonder sa famille. Nul doute que le jeune homme aurait fait la fierté de ses parents, si seulement ceux-ci avaient encore été en vie. Louis s’est en effet éteint en mars 1789 dans un hôpital parisien, sans que l’on sache pour quelle raison il y a été admis, à seulement 39 ans. Marie Anne le rejoint en décembre 1803, peu après l’incorporation de leur fils dans la Grande Armée.

Extrait de l’acte de mariage de Charles Duteil relatif au décès de ses parents. 4E/443 – Archives départementales de l’Essonne

Génération 8

Jean Louis, second du nom, nait le 8 décembre 1773 à Bruyères le Châtel. Sa mère étant décédée rapidement après sa venue au monde, il est élevé par les deux épouses suivantes de son père Louis et restera fils unique jusqu’à la naissance de ses demi-frère et soeurs Charles, Avoye et Marie Madeleine. Leur arrivée a-t-elle modifié les relations entre Jean Louis et son père et sa belle-mère comme cela arrive malheureusement souvent ? Ont-ils privilégié ces enfants qu’ils ont eu ensemble au détriment de l’aîné issu d’un autre mariage, d’une autre histoire ? Toujours est-il que contrairement à ses ancêtres, Jean Louis ne reprend pas l’exploitation familiale mais fait rapidement son baluchon pour suivre une autre voie que celle qui lui était toute tracée.

Jean François Bellay – La voiture publique – Musée des Beaux Arts de Lyon

C’est donc Charles, l’ancien soldat, qui reprend le flambeau de la vigne pour une huitième génération. Quant à ma branche des Duteil, elle vivra d’autres aventures, bien loin de la vigne et de la région parisienne… Et c’est ainsi que prend fin ma dynastie des vignerons !

9 réponses à « Les Duteil, vignerons de l’Essonne (7) »

  1. Avatar de Noëline Visse
    Noëline Visse

    Magnifique récit qui mêle la grande Histoire et l’Histoire familial, j’ai adoré ! Bravo pour le travail

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    1. Avatar de Marina
      Marina

      Merci beaucoup Noëline !

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  2. Avatar de fannynesida

    Intéressante saga familiale avec le contexte historique et de judicieuses illustrations

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    1. Avatar de Marina
      Marina

      Merci, je suis ravie que ça t’ait plu !

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  3. Avatar de Méloë

    Je découvre cette saga familiale avec cet épisode. Merci pour ce partage passionnant qui redonne vie à vos ancêtres. Je file lire les épisodes précédents.

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    1. Avatar de Marina
      Marina

      Merci beaucoup ! J’espère que les autres articles vous plairont autant !

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  4. Avatar de tracesetpetitscailloux
    tracesetpetitscailloux

    Bravo pour ce « feuilleton » très bien écrit et judicieusement illustré, avec d’intéressantes mises en contexte! 👍

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    1. Avatar de Marina
      Marina

      Désolée, je n’avais pas vu votre commentaire ! Merci beaucoup !

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  5. Avatar de Qu’est devenue Marie ? – Voyages dans le temps

    […] et plus particulièrement dans le petit hameau du Casson où ses parents Jean-Louis Duteil, le fils du dernier des vignerons, et Sophie Michenet sont installés pour quelques années. Elle est la troisième d’une […]

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